BD/Un printemps à Tchernobyl
"Car le beau n'est rien que ce commencement
du Terrible que nous supposons encore, et si nous l'admirons,
c'est qu'il dédaigne, indifférent, de nous détruire.
Tout ange est terrifiant."
Emmanuel Lepage
Il y a 29 ans (26 avril 1986) se produisait l'accident nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine.
En 2007, Emmanuel Lepage et Gildas Chasseboeuf (peintres-illustrateurs) préparèrent leur séjour près de la zone interdite, avec l’association Dessin’acteurs, qui propose à des auteurs de réaliser des dessins "engagés" en vue d’aider à des actions concrètes.
En avril 2008, ils se rendirent sur les lieux dans une résidence d’auteurs, pour y faire un reportage en dessin, témoignage sur ses terres interdites où rôdent la mort, côtoyant la nature qui y a repris ses droits, en l'absence prolongée de l'homme.
Le graphisme de cette BD est saisissant de réalisme, et les planches au fusain ou au lavis monochrome gris transmettent toute la tristesse des lieux ; quelques touches de couleurs à la craie sont là pour redonner vie aux forêts, à la végétation luxuriante qui envahit les anciennes habitations. La vie s’y est imposée, associée à la présence de la mort.
« Cette pluie tiède d'avril...les gouttes roulaient comme du mercure. On dit que la radioactivité n'a pas de couleurs, mais les flaques étaient vertes ou jaunes, fluorescentes.» S. Alexievitch (La supplication)
En 1986, il faudra des semaines pour que les autorités françaises admettent que le nuage avait bien traversé la France, recouvrant un tiers du territoire de césium 137. Aucune protection sanitaire ne fut donc mise en place.
En Ukraine, 36 heures après l'accident, les habitants de la zone contaminée (2600 km2) sont évacués ; ils seront 350 000 personnes en tout.
Les pompiers restés sur place et les "liquidateurs " (entre 500 000 et 800 000), habillés de simples combinaisons et d'un masque à gaz pour enlever les débris hautement radioactifs, mourront, pour la plupart, de leurs brûlures dans les 15 jours suivants ou de cancers les années d’après.
Après 22 années sans activités humaines, la faune s’est développée ; des loups sont venus s’y installer. Des personnes sont aussi revenues, devant vivre en autarcie ; des pilleurs aussi, pour vider les isbas de leurs objets, de leurs meubles ; maintenant ce sont les métaux et le béton, revendus à l’ouest.
Emmanuel Lepage fait les portraits de ses nombreuses personnes rencontrées, marquées par cette catastrophe ; mais il a ce dilemne de dessiner cette nature printanière en éclosion où la contamination reste invisible.
« Dessiner l’invisible, c’est vertigineux ! »
Site des Dessin’Acteurs : www.dessinacteurs.org
Pour contacter l’auteur : unprintempsatchernobyl@orange.fr
Site de l’association " Les enfants de Tchernobyl" : www.lesenfantsdetchernobyl.fr